Bon, on va être sérieux ici pendant 5 minutes. Ca faisait longtemps que j'avais pas écrit un article « de fond ». A la base, je voulais plutôt parler du caractère flou de la notion de mise en scène. Et puis bon, ce sera pour plus tard. Aujourd'hui jeunes chérubins, on va être plus terre à terre, on va parler de la souris.
Parce que l'autre jour je me suis rendu compte que dans mon workflow (lorsque je ne suis pas sur un plateau de tournage évidemment, mais en ce moment, c'est pas trop le cas) l'élément qui me ralentissait le plus à part mon incorrigible incapacité à me concentrer plus de 5 minutes, était la souris. Avec ma maitrise et ma connaissance de l'univers informatique et de ses concepts, la souris m'apparait de plus en plus comme le maillon faible de l'équipement informatique contemporain. Et j'aimerais voir disparaître cet outil archaïque dans les 5 ans. Je mets les constructeurs de hardware au défi. Me décevez pas les gars.
En effet, la souris, c'est de la merde. Voilà cet outil un temps révolutionnaire, me pèse comme c'est pas permis dans toutes les opérations de design. C'est comme utiliser un seul doigt pour accomplir des opérations de chirurgie: il y a une perte importante de temps et d'énergie. Utiliser une souris, c'est comme utiliser un burin et un marteau pour écrire la Bible. C'est un outil issu de la préhistoire de l'informatique.
Imaginez un instant Minority Report. Chacun a rêvé de pouvoir utiliser l'interface qu'utilise Tom Cruise/John Anderton lorsqu'il scrute les bribes du futur afin d'empêcher le futur d'arriver. En réalité on pourrait y voir une métaphore du travail du monteur qui rassemble et recoupe les différents points de vue éparses d'une scène/histoire pour lui redonner du sens et une structure.
Mais en restant pragmatique cet outil, cette façon tactile de travailler l'image, de la prendre, la tordre et la retordre, la faire pivoter, la scruter puis la retourner, s'avère être la manière idéale de reconquérir le design. La réhabilitation de nos deux mains et de nos dix doigts. Une nouvelle façon de mettre à nouveau les mains dans le cambouis, là où la souris s'apparente à utiliser un de nos ongles.
Imaginez-vous avec votre Photoshop actuel. Les mêmes outils, les mêmes fonctionnalités, juste à peine modifié pour permettre de sélectionner plusieurs choses en même temps. Vous ouvrez votre image, vous la redimensionnez du bout des doigts, tracez des masques avec l'index, sélectionnez un bout de l'image avec votre autre main pour sauter ensuite dans le panneau des effets et faites défiler chaque effet un peu comme vous pouvez faire défiler les contacts dans un iPhone, plutôt que de parcourir l'écran avec votre souris, pour accomplir 30 clics là où seulement 5 pourraient suffire.
Imaginez que vous puissiez assignez chaque point d'un masque à chacun de vos doigts lorsque vous rotoscopez sous After Effects. Le niveau de contrôle intuitif que vous pourriez avoir, plutôt que d'avoir à bouger chaque petit point un par un avec une souris. La rotoscopie pourrait prendre, je sais pas moi, 5 fois moins de temps qu'actuellement.
Imaginez que vous soyez monteur de film et que vous puissiez naviguer dans les rushes du bout des doigts, sélectionner le In Point et le Out Point en mimant les ciseaux avec les doigts. Pouvoir quasiment physiquement assembler ces petites séquences entre elles, comme John Anderton dans Minority Report.
Imaginez pouvoir sculpter un modèle 3D dans Muddbox (c'est un logiciel de sculpture 3D inventé par des néozélandais lors de la production du Seigneur des Anneaux) mais sans se foutre de la terre glaise partout. Mais pouvoir tout même avoir un contrôle instinctif sur le tas de matière virtuelle. Tout en gardant l'avantage des outils virtuels que peut offrir l'informatique. Pouvoir faire pivoter son modèle 3D d'un mouvement de mains, le regarder sous toutes les coutures.
En bref, faire revenir l'implication intuitive, physique et corporelle dans un processus créatif qui semble avoir été « interfacisé » par la souris. Cet outil agit comme un mur de briques entre l'utilisateur et sa création numérique. Comme si entre l'idée et l'exécution quelque chose s'était « lost in translation ». Le possibilité de pouvoir toucher l'immatériel, lui donner un corps et une réalité et faire des artistes qui utilisent ses outils, de véritables artistes et non plus des informaticiens avec une sensibilité artistique.
Évidemment, ce que je dis n'a vraiment rien de nouveau et que vous êtes nombreux à rêver depuis longtemps de cette interface et des possibilités qu'elle amène. Mais quand même. L'écran multitouch de l'iPhone et son interface intuitive esquisse les prémices (jolies allitérations les enfants) de ce qui arrive. Microsoft travaille sur des tables interactives. Dans The Island de Michael Bay, on y voit d'ailleurs une interface similaire, avec des possibilités de dessin et de design lorsque le personnage principal, Lincoln Six Echo, dessine le bateau qu'il voit dans ses rêves récurrents. La Wii et sa Wiimote proposent aussi une alternative révolutionnaire face à la souris des consoles: le joypad. Une plus grande implication dans le jeu. On commence à voir apparaître de plus en plus de panneaux interactifs. Tout cela est encore au stade du développement, de l'expérimentation et la souris a encore de belles années devant elles, mais on y viendra.
D'ailleurs même pou la manipulation d'applications plus courante, cette interface aurait ses avantages. Imaginez pouvoir se constituer une playlist en balançant ses morceaux sélectionnés du bout de ses doigts, plusieurs à la fois plutôt que un par un. Imaginez naviguer entre les pages internet, entre les applications, manipuler les chiffres de tableaux Excel, imaginez tout ce qui serait possible. Oui c'est excitant.
C'est excitant pour des applications quotidienne... le simple fait de manipuler un iphone le prouve... ou même un bête trackpad. Pour des application professionnelles qui demandent de la précision, le doigt n'est malheureusement pas ce qu'il y a de plus adapté. Même les chirurgiens se font aidés d'interfaces mécaniques, de la même manière que nous travaillons plus précisément avec une souris.