Have you ever danced with the devil by the pale moon light?


Une fois n’est pas coutume (j'ai le sentiment de commencer un de mes messages sur deux avec cette formule), j’ai envie de parler de moi. Non pas d’une nouvelle œuvre qui te déchire les yeux tellement c’est bon, mais de moi, moi perso. Vous pouvez déjà tourner les talons, même si je tâcherai de donner à ma prose la même envolée, la même ardeur, que celle des personnes (qui resteront anonymes) dont je parlerai plus loin. Parcequ’ils sont bons les salopiauds et ils savent faire parler l’émotion et ça mon gars, c’est la marque des plus grands.

Vous savez, y’a comme une espèce de tampon qui marquent les artistes comme les vaches dans un troupeau. C’est le sceau du démon, du monstre qui ronge l’esprit du créatif et qui lui permet de créer justement. The demon feeds on the past. The artist feeds on the demon. Et on va admettre, for the sake of argument que je fais partie de ces artistes. Le site web de la boite où je travaille est très clair là-dessus : motion design artist et director, c’est pas moi qui l’invente je vous jure, c’est écrit noir sur blanc. C’est aussi ce que disent mes cartes de visite. Certes de nos jours, n’importe qui sachant se servir de Photoshop est considéré comme un artiste, ce qui prouve bien à quel point cette profession va à vau-l’eau.

J’étais donc en train de discuter avec une amie sur le service de messagerie de gmail lorsqu’à un moment la discussion a dérivée sur un des motifs récurrents des messages de son blog personnel : ses démons. Je n’en dévoilerai pas plus afin de protéger son anonymat et puis j’imagine que toi, lecteur adoré qui a tenu jusqu’ici, t’en as rien à branler de cette petite conne que tu ne connais pas et que tout ce qui t’intéresse, c’est l’auteur de ce blog, so sexy, so nice. Et si tu as deviné qui c’était alors je t’invite à faire un tour sur son blog histoire de voir ce qu’il en retourne, à moins que tu ne sois déjà familier avec sa prose à elle, carrément moins dégueulasse que la mienne. Je ferme donc la parenthèse qui a toujours tendance à durer trois romans chez moi, pour revenir à la teneur de notre conversation. On parlait donc de ses démons et ça m’a un peu amené à penser que chez moi, y’a rien de tout ça. « Mais bordel ! Comment veux-tu te prétendre artiste, si t’es même pas un tout petit peu torturé ? Angoissé ? ». Et ben non même pas et ça craint. J’ai des amis qui tiennent leur blog et y parlent de leurs angoisses, de leur colère, de leurs doutes, de leurs problèmes relationnels, avec beaucoup de talent. Il y a chez eux une vraie authenticité dans une certaine forme de malheur qui, puisque je les connais personnellement, n’est pas feinte et n’est certainement pas là pour se donner une contenance. This is real dirait Jennifer Connelly, la main sur le cœur de Russell Crowe.

Certes la vie, c’est pas toujours cool, mais je dois reconnaître avoir été plutôt gâté. Si je fais une petite balade introspective, j’arrive sans cesse à la lisière de la forêt des rêves bleus. Pas de bois inquiétants où un loup affamé et sanguinaire rôderait, prêt à jaillir des broussailles et arracher d’un coup de mâchoire net la gorge de l’imprudent. Plus prosaïquement, j’ai eu le droit à une enfance normale, élevé par des parents normaux, pas divorcés, ayant évolués eux-mêmes dans des famille normales (enfin du côté de mon père, c’est un peu moins joyeux par moment, c’est l’inconvénient des familles nombreuses, mais on ne peut pas dire que les escarmouches éparses ne m’aient jamais causés des cauchemars). Ils ont toujours été présents, m’ont toujours apporté un soutient inconditionnels et on peut considérer qu’ils passent sans trop de problème leur contrôle technique de parents aimants et attentionnés. J’ai un grand frère avec qui je me suis disputé de nombreuse fois quand on était petit et si aujourd’hui on a pas des liens hyper forts (quatre ans d’écart plus lui qui avait un an d’avance à l’école, je pense que ça a joué) il n’empêche que je peux dire que je l’aime beaucoup et qu’il me manque comme mes parents alors que je suis à l’autre bout du monde. J’ai pas de drame familial ou personnel à déplorer, pas de lourds secrets (à priori) qui empoisonnent les repas de famille, pas de squelettes dans le placard. Mes rares emmerdes ont été provoquées par mon immaturité chronique mais qui a l’air d’aller mieux depuis quelques temps, j’ai une copine depuis plus de cinq ans, un boulot qui me plait, pas le sentiment de n’avoir aucun talent, je me tape un coup de flippe une fois tous les six mois, ça dure dix minutes et on en parle plus. Tout juste un peu colérique et impatient, voilà ce qu’on pourrait écrire en épitaphe sur ma tombe. C’est pas possible tout ce bonheur, faut que ça s’arrête à un moment.

Or, moi chuis un artiste (ou une gitane, par moment je m’y perds un peu) et un artiste ça souffre, c’est même à ça qu’on les reconnaît. Un artiste, ça doit avoir le sentiment de porter le monde et son malheur sur les épaules, ça doit être écorché parceque ça plait aux filles et cynique parceque ça les mecs, ils adorent. C’est cool aussi quand, y’a un ou deux problèmes liés à une enfance malheureuse, un regret, un parent qui meurt trop tôt et qui dans son départ creuse un puit noir de désespoir. L’artiste, il a un monstre dans le cœur, un truc qui se repaît de chacune de ses angoisses, de ses pensées noires, de tout ce qui n’est pas avouable, de ce qui n’est pas destiné à être montré au soleil. The dark side of the moon quoi. Et toute cette mixture nauséabonde, c’est un peu le fuel de son inspiration. Pendant longtemps, parceque je voulais être un super réalisateur, je prétendais que j’étais trop angoissé du monde, tu vois, que je le voyais tel qu’il était ; un amas purulent de chairs difformes, rongées par les vers et qui s’ébat péniblement avant de mourir. Et puis non en fait, je suis un vrai imbécile heureux, creux et vain. Non peut-être pas à ce point là, mais je suis forcé de reconnaître une chose : le vrai malheur, le vrai désespoir, la vraie déchéance, même si la magnitude est somme toute réduite, je connais pas. Et que malgré le poids que ça peut représenter, je ne peux pas m’empêcher de regarder tout ça d’un air un peu envieux. Qu’est-ce que ça doit être bien de sentir – parfois – ce serpent vous dévorer les entrailles, toute cette énergie sombre que je pourrais canaliser en force créatrice, en œuvre profonde et meaningful qui te parlerait du plus profond de l’âme humaine.

I have demons, you wouldn’t believe, disait David Fincher (mais peut-être qu’il quotait quelqu’un de célèbre, j’ai des côté très ignares par moment aussi), le mien ressemblerait plus à un diablotin en papier mâché à qui on aurait confisqué la fourche, limé les crocs et rogné les griffes. C’est dire s’il est inoffensif, contrairement à son véhicule (moi-même) qui sait être bien con de temps en temps. Peut-être que je suis mon propre démon. Mais j’ai une mini-passion, peut-être ma porte de sortie : j’aime regarder les gens (et les filles sur la plage, le regard fugace tout ça). Ca me nourrit. J’ai de l’empathie à revendre et je crois (je dis bien je crois, les certitudes et moi, ça fait deux) que j’arrive un peu à me mettre à leur place, à imaginer ce qu’ils pensent, à voir un peu de leur démon, sous mon air de pas y toucher. Si j’en prend la peine, je peux voir sous la peau des autres, regarder le feu qui s’y consumme, ressentir un ersatz de leurs émotions. Pâle copie certes, mais pour l’instant, this is as close as I can get du vrai désespoir.

2 commentaires:

7 février 2008 à 09:46 Blythe

Ouais ben en même temps c'est aussi bien comme ça je crois, TOUS les artistes ne sont pas torturés quand même... En plus c'est vite lassant.

7 février 2008 à 10:06 Nicolas Plaire

Ouais mais bon, les angoisses, c'est comme la barbe, si tu veux être réal, faut en avoir.

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Bonjour à tous... Mon p'tit nom à moi c'est Nicolas Plaire, je suis réalisateur, designer, monteur et je fais bien le thé. Dans mes pérégrinations à la recherche d'inspiration (ou d'idées à piquer sans vergogne!) je me suis dit que ce serait sympa de partager mes découvertes. Ceci est donc mon blog où je showcase mon travail, mais où je présente des clips, des artistes, des pubs, des jeux vidéos qui me plaisent. Parfois je me laisse aller dans des réflexions plus personnelles sur mon métier, l'inspiration, la vie et les abeilles.

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