Découvert il y a quelque jours, j'avais pas nécessairement envie de parler de ce court. Non pas qu'il ne soit pas bien, au contraire, c'est du beau boulot, plutôt propre, plutôt classe, mais à l'instar de Panic Attack [vidéo dans la suite] l'année dernière, je regrette un peu que l'on construise des ponts d'or pour ces réalisateurs. Non pas qu'ils soient sans mérite, loin de là [et ne croyez pas que ce soit la jalousie qui parle... mon propos n'est pas là], The Raven et Panic Attack ont d'innombrables qualités, mais aucun de ces films ne célèbrent des réalisateurs. Ce qu'on y voit appartient à un autre domaine de la production cinématographique. Ces deux films révèlent deux excellents superviseurs des effets spéciaux.
Un réalisateur est responsable de l'intégrité artistique d'une oeuvre, il décide et supervise la vision et l'exécution d'un film. Le coeur de son travail étant d'assurer une narration cohérente – ou du moins conforme à ce qu'il a envie de raconter – et pour cela, il collabore avec tout un tas de corps de métiers, car le cinéma est un méta-art qui construit son identité en allant picorer à droite et à gauche dans d'autres arts plus anciens – en résumé le cinéma, c'est un mélange de théâtre, de photo, d'architecture, de musique, de couture, de peinture, de sculpture – pour donner un tout homogène supérieur à la somme de ses parties.
La pluralité des visions du cinéma ne peut pas être abrogée. Hollywood a beau régner en maitre et imposer ses codes – et j'en suis le premier à aimer – il existe d'autres formes de cinéma, d'autres nationalités, qui ignorent le spectacle et le divertissement à tout prix. C'est sur qu'un Tropical Malady du Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, avec sa narration brisée nette en plein milieu, sa sécheresse thématique, risque d'effrayer le public gavé de blockbusters. Mais ça n'en reste pas moins le témoin des possibilités d'un autre cinéma, plus exigent, moins facile d'accès, mais aussi vivier d'idées et d'audace.
Bon comme je le disais je ne suis pas en train de faire mon snob, surtout que depuis mon arrivée en Nouvelle Zélande, je vais principalement voir des films américains [moins de temps, moins d'argent, moins de choix et d'opportunités], mais ça m'attriste de voir le cinéma geek résumé à la démonstration technique des SFX. Le fond totalement oblitéré par la forme, nickel. Avec les caméras récentes, la démocratisation des outils et logiciels, produire un film plastiquement irréprochable est devenu « facile ». Et évidemment, il est plus aisé de faire un succès viral sur le net avec ces films impressionnants visuellement, mais vides, qu'avec une histoire et des personnages bien sentis mais qui demandent à ce que le spectateur prenne le temps de regarder le film. En clair, Panic Attack et The Raven sont – pour être méchant et un peu injuste – des films qui laissent le cerveau disponible pour autre chose, TF1-style.
Panic Attack a beau glisser une référence à Cuirassé Potemkin [ou aux Incorruptibles probablement], ce n'est pas ce qui en fait un film. Sans être dogmatique, je pense qu'un film c'est pas vraiment un scénario. Un scénario, c'est juste un document technique, une norme. Non, un film afin d'être de pouvoir être qualifié de film a besoin de quatre choses, une histoire, des personnages, univers et une esthétique. Essayez, sur n'importe quel film, ça fonctionne [par exemple le Seigneur des Anneaux. 1 – Histoire: jeter l'anneau unique dans la Montagne du Destin. 2 – Personnages: Frodon et ses potes. 3 – Univers: des elfes, des orcs, de la magie. 4 – l'esthétique: bon ben l'ensemble de ce que vous voyez à l'écran, SFX, décors, costumes, photo, etc.]. Le dosage entre ces éléments va toujours varier [chez les frères Coen par exemple, les personnages et l'univers sont toujours plus importants que l'histoire] mais les quatre éléments ont toujours une sorte d'équilibre délicat. Sauf Panic Attack qui n'a pas le moindre personnage. D'où la démonstration technique. Or créer des personnages, diriger ses acteurs, c'est autrement plus subtil et complexe que de maitriser Maya [enfin c'est subtil et complexe aussi, mais ça ne demande pas les mêmes capacités] et on peut se demander ce à quoi pensait Sam Raimi quand il a décidé de prendre le réalisateur, chilien, de ce film.
Chez The Raven ça va un peu mieux. Il y a un personnage. Il y a aussi un univers [un Los Angeles totalitaire], totalement cliché certes, mais y'a un effort. Mais y'a pas vraiment d'histoire. Où plutôt l'histoire est juste un prétexte à la démonstration technique. Et c'est lorsque le film cherche à raconter quelque chose qu'il est le plus faible. L'acteur principal a beau être agréable à regarder, il n'a pas grand chose à faire et à dire que de mimer des pouvoirs de super-héros usés [télékinésie en particulier].
Lorsque Neil Blomkamp faisait son Alive in Joburg [qui donnera District 9 dont The Raven s'inspire ENORMEMENT, surtout au niveau visuel] il transpose une histoire classique [les aliens débarquent] dans un univers inattendu [l'Afrique du sud] et met en scène ses personnages [des témoins] dans une esthétique différente [le documentaire]. Et même si le court de Blomkamp n'a rien d'extraordinaire en soit – alors que j'adore, pinaise ce que j'adore District 9 – au moins il y avait un traitement original, une vision de réalisateur – alors qu'il vient lui aussi du monde des SFX.
Mais ne croyez pas que je méprise ces films viraux à effets spéciaux [contrairement aux fan films-gnark-gnark] de petits génies dans leur chambrette pendant que môman cuisine des cookies. D'ailleurs, au delà de mes remarques je trouve vraiment ces deux films sympathiques et bien faits. Mais si je devais donner un exemple de vrai film viral similaire, qui témoigne vraiment d'une vision de réalisateur. Quelqu'un qui, au delà de la démonstration technique bluffante, a vraiment voulu créer une narration. Qui ébauche une histoire forte, avec un vrai personnage central, avec un univers [même si pas mal inspiré de Half Life] et une esthétique [en caméra subjective], c'est bien le What's in the Box? du néerlandais Tim Smit. Un court que je trouve bien plus fort et bien plus convaincant – malgré des SFX peut-être un ton en dessous des deux autres d'ailleurs – que ces deux films.
Et si voulez vous faire un avis sur les films dont je parle, ils sont disponibles en dessous.
The Raven réalisé par Ricardo De Montreuil
Panic Attack, réalisé par Fede Alvarez
What's in the Box?, réalisé par Tim Smit
Alive in Joburg, réalisé par Neil Blomkamp
Un réalisateur est responsable de l'intégrité artistique d'une oeuvre, il décide et supervise la vision et l'exécution d'un film. Le coeur de son travail étant d'assurer une narration cohérente – ou du moins conforme à ce qu'il a envie de raconter – et pour cela, il collabore avec tout un tas de corps de métiers, car le cinéma est un méta-art qui construit son identité en allant picorer à droite et à gauche dans d'autres arts plus anciens – en résumé le cinéma, c'est un mélange de théâtre, de photo, d'architecture, de musique, de couture, de peinture, de sculpture – pour donner un tout homogène supérieur à la somme de ses parties.
La pluralité des visions du cinéma ne peut pas être abrogée. Hollywood a beau régner en maitre et imposer ses codes – et j'en suis le premier à aimer – il existe d'autres formes de cinéma, d'autres nationalités, qui ignorent le spectacle et le divertissement à tout prix. C'est sur qu'un Tropical Malady du Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, avec sa narration brisée nette en plein milieu, sa sécheresse thématique, risque d'effrayer le public gavé de blockbusters. Mais ça n'en reste pas moins le témoin des possibilités d'un autre cinéma, plus exigent, moins facile d'accès, mais aussi vivier d'idées et d'audace.
Bon comme je le disais je ne suis pas en train de faire mon snob, surtout que depuis mon arrivée en Nouvelle Zélande, je vais principalement voir des films américains [moins de temps, moins d'argent, moins de choix et d'opportunités], mais ça m'attriste de voir le cinéma geek résumé à la démonstration technique des SFX. Le fond totalement oblitéré par la forme, nickel. Avec les caméras récentes, la démocratisation des outils et logiciels, produire un film plastiquement irréprochable est devenu « facile ». Et évidemment, il est plus aisé de faire un succès viral sur le net avec ces films impressionnants visuellement, mais vides, qu'avec une histoire et des personnages bien sentis mais qui demandent à ce que le spectateur prenne le temps de regarder le film. En clair, Panic Attack et The Raven sont – pour être méchant et un peu injuste – des films qui laissent le cerveau disponible pour autre chose, TF1-style.
Panic Attack a beau glisser une référence à Cuirassé Potemkin [ou aux Incorruptibles probablement], ce n'est pas ce qui en fait un film. Sans être dogmatique, je pense qu'un film c'est pas vraiment un scénario. Un scénario, c'est juste un document technique, une norme. Non, un film afin d'être de pouvoir être qualifié de film a besoin de quatre choses, une histoire, des personnages, univers et une esthétique. Essayez, sur n'importe quel film, ça fonctionne [par exemple le Seigneur des Anneaux. 1 – Histoire: jeter l'anneau unique dans la Montagne du Destin. 2 – Personnages: Frodon et ses potes. 3 – Univers: des elfes, des orcs, de la magie. 4 – l'esthétique: bon ben l'ensemble de ce que vous voyez à l'écran, SFX, décors, costumes, photo, etc.]. Le dosage entre ces éléments va toujours varier [chez les frères Coen par exemple, les personnages et l'univers sont toujours plus importants que l'histoire] mais les quatre éléments ont toujours une sorte d'équilibre délicat. Sauf Panic Attack qui n'a pas le moindre personnage. D'où la démonstration technique. Or créer des personnages, diriger ses acteurs, c'est autrement plus subtil et complexe que de maitriser Maya [enfin c'est subtil et complexe aussi, mais ça ne demande pas les mêmes capacités] et on peut se demander ce à quoi pensait Sam Raimi quand il a décidé de prendre le réalisateur, chilien, de ce film.
Chez The Raven ça va un peu mieux. Il y a un personnage. Il y a aussi un univers [un Los Angeles totalitaire], totalement cliché certes, mais y'a un effort. Mais y'a pas vraiment d'histoire. Où plutôt l'histoire est juste un prétexte à la démonstration technique. Et c'est lorsque le film cherche à raconter quelque chose qu'il est le plus faible. L'acteur principal a beau être agréable à regarder, il n'a pas grand chose à faire et à dire que de mimer des pouvoirs de super-héros usés [télékinésie en particulier].
Lorsque Neil Blomkamp faisait son Alive in Joburg [qui donnera District 9 dont The Raven s'inspire ENORMEMENT, surtout au niveau visuel] il transpose une histoire classique [les aliens débarquent] dans un univers inattendu [l'Afrique du sud] et met en scène ses personnages [des témoins] dans une esthétique différente [le documentaire]. Et même si le court de Blomkamp n'a rien d'extraordinaire en soit – alors que j'adore, pinaise ce que j'adore District 9 – au moins il y avait un traitement original, une vision de réalisateur – alors qu'il vient lui aussi du monde des SFX.
Mais ne croyez pas que je méprise ces films viraux à effets spéciaux [contrairement aux fan films-gnark-gnark] de petits génies dans leur chambrette pendant que môman cuisine des cookies. D'ailleurs, au delà de mes remarques je trouve vraiment ces deux films sympathiques et bien faits. Mais si je devais donner un exemple de vrai film viral similaire, qui témoigne vraiment d'une vision de réalisateur. Quelqu'un qui, au delà de la démonstration technique bluffante, a vraiment voulu créer une narration. Qui ébauche une histoire forte, avec un vrai personnage central, avec un univers [même si pas mal inspiré de Half Life] et une esthétique [en caméra subjective], c'est bien le What's in the Box? du néerlandais Tim Smit. Un court que je trouve bien plus fort et bien plus convaincant – malgré des SFX peut-être un ton en dessous des deux autres d'ailleurs – que ces deux films.
Et si voulez vous faire un avis sur les films dont je parle, ils sont disponibles en dessous.
The Raven réalisé par Ricardo De Montreuil
Panic Attack, réalisé par Fede Alvarez
What's in the Box?, réalisé par Tim Smit
Alive in Joburg, réalisé par Neil Blomkamp
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